Analyse des impacts de la politique énergétique française sur le secteur du raffinage et la balance commerciale.
La politique du « gazole moins cher » :
Cela est tellement ancré dans les mœurs que plus personne ne le voit : il est normal que le gazole soit moins cher que l’essence. Cela a toujours été comme ça… non ?
Pourtant le gazole est plus cher à produire que l’essence. La différence de prix à la pompe est artificielle et due à une taxation différente. Le « gazole moins cher » est un « avantage » donné aux professionnels il y a plusieurs dizaines d’années. Qui est devenu une « niche fiscale » pour les particuliers.
Cette politique a eu l’effet d’inciter tout le monde à rouler au gazole car « c’est moins cher ». Même ceux qui font moins de 20.000 kms/an et qui se retrouvent à perdre de l’argent. Mais bon, chacun fait comme il veut (et dans la même optique, je leur laisse aussi toutes les pannes coûteuses liées à ce carburant, mais cela est un autre sujet).
Autre problème, la TVA n’est récupérable que sur le gazole, le GPL et l’E85. Pas sur l’essence… merci pour les professionnels qui voudraient utiliser un autre carburant. Voilà comment on « verrouille » un marché.
Le gazole « ça consomme moins » :
Qui n’a jamais dit « je consomme moins avec mon diesel » lève la main. Personne ? Cela n’est pas étonnant.
La « consommation » a toujours été exprimée en litres. Soit une unité de volume. Mais c’est bien adapté comme unité de mesure, non ? Et bien pas tant que ça, c’est juste plus pratique pour la distribution. Pas pour parler de « consommation ».
La consommation énergétique peut s’exprimer de façon plus parlante en kWh. Un peu comme pour l’électricité. Vous avez 9 kWh d’énergie dans un litre d’essence et 10 kWh dans un litre de gazole. L’énergie supplémentaire ne tombe pas du ciel : cela veut dire qu’il a fallu plus de pétrole pour fabriquer un litre de gazole qu’un litre d’essence ! A « consommation égale » (en litres), une diesel aura donc gâché 11% de pétrole. Imaginez ce que cela fait à l’échelle de 30 millions de véhicules qui roulent en moyenne 15.000 kms/an…
Pour donner un exemple, 4,5L/100kms de gazole correspondent à 5,0L/100kms en essence. Heureusement, si les véhicules thermiques à essence ont du mal à réaliser cette consommation, les hybrides essence ne se gênent pas pour faire mieux.
La réputation des diesel de « moins consommer » est finalement usurpée : on consomme souvent autant si ce n’est plus de pétrole qu’avec une essence(« je peux me permettre d’appuyer plus, puisque c’est moins cher » ou « je peux rouler plus puisque je consomme peu »). Dommage, c’est le contraire du but recherché.
Les raffineries ne peuvent plus répondre à la demande :
Quand le pétrole est raffiné, on ne fait pas « ce que l’on veut » du pétrole brut. On récupère différentes fractions qui sont très légères à très lourdes : GPL, essence, kérosène, gazole/fioul, goudrons,… Quand il faut produire du gazole, on obtient aussi de l’essence.
Pour revenir au cas de la France, avec 75 à 80% des véhicules neufs vendus qui utilisent du gazole, il est impensable de croire que seules les raffineries françaises suffiraient à produire tout le gazole nécessaire au pays. Et même si on augmentait les capacités, on se retrouverait avec d’importantes quantités d’essence à revendre ! Un casse-tête que ce parc automobile au gazole.
Se fournir à l’étranger :
Pour récapituler : nous avons une demande (importante) en gazole, mais les capacités de production de la France ne peuvent fournir. Pire, il nous reste de l’essence sur les bras.
La seule solution est de se fournir en gazole dans d’autres pays, produit déjà raffiné qui coûte plus cher que d’acheter du pétrole brut et de le raffiner chez nous.
Environ 30% du gazole distribué en France a été importé d’autres pays européens et de la Russie, mais aussi d’Asie. L’Asie augmente ses capacités de raffinage et est moins regardante sur les normes environnementales.
L’impact sur la facture énergétique :
Il n’échappe à personne que le fait d’acheter le pétrole à l’étranger (nous n’en produisons pas ou tellement peu que c’est ridicule), en dollars qui plus est (avec un taux de change variable, mais cela va commencer à changer : il devrait être possible, dans les mois qui viennent d’acheter le pétrole en Euro, Yen, Yuan,…) impacte lourdement notre déficit commercial. Et bien si vous regardez le graphique précédent, il faut encore ajouter le déficit dû aux importations de produits raffinés (gazole en tête) dont le coût est plus élevé que les exportations de ces produits (essence en tête).
Ce schéma énergétique n’est donc pas soutenable : la facture énergétique totale s’élève à 62,4 milliards d’euros en 2011, dont environ 13 milliards d’euros sont imputables à l’importation de produits raffinés.
Vers la fin du « gazole moins cher » :
Pour récapituler, cette politique favorable au gazole :
- pèse sur notre balance commerciale ;
- détruit à petit feu le secteur du raffinage et les emplois qui vont avec ;
- augmente la pollution (locale et globale) ainsi que les émissions de CO2 ;
- entraîne des amendes européennes à cause d’une pollution urbaine trop élevée ;
- empêche une levée de l’impôt égalitaire pour tous les automobilistes ;
- empêche la mise en place de réelles alternatives pour le transport individuel.
La proposition de la Commission Européenne est un pas en avant pour conserver un certain équilibre pour la consommation des produits pétroliers et permettre de réduire progressivement leur usage.
Au vu de tous ces éléments, aucun Président de la République ne pourra plus maintenir cet avantage. L’hypothèse la plus probable est l’excuse de « l’Europe qui impose ». Mais ce sera fait, peu importe la forme, courageuse ou fuyante.
Imaginez : un parc de véhicules dont plus de 50% est diesel, dont la majorité ne supportent plus de brûler de l’huile de friture. Cela s’appelle un parc captif. Que l’on peut donc taxer comme l’on veut. Car contrairement aux véhicules à essence, un diesel ne peut pas brûler de E85, ni du GPL (sauf modification lourde, donc non rentable) et encore moins utiliser de l’électricité !
Doit-on encore acheter un véhicule « diesel » ?
Il faut avant tout se souvenir que « les conseillers ne sont pas les payeurs » : un vendeur de véhicules prêche pour son portefeuille, pas pour le vôtre. Enfin, si, un peu le vôtre, mais il faut rester chez lui…
Peu de personnes qui disent « acheter français » et roulant au gazole, savent qu’ils détruisent des emplois : ceux des raffineries françaises qui sont de moins en moins rentables car il faut vendre l’essence en surplus sur les marchés étrangers. Et la demande d’essence faiblit, au contraire du gazole : l’essence se revend donc moins cher que du gazole.
Sachant que le gazole sera à nouveau taxé « normalement », que les pannes sont coûteuses (même l’entretien régulier est coûteux), il est risqué d’acheter un véhicule diesel. Ces véhicules ne vaudront plus rien quand les taxes sur le gazole seront rétablies.
Les nouveaux moteurs à essence se font plus sobres, les hybrides essence sont fiables et éprouvés depuis plus de 15 ans maintenant et de nouveaux VE ou hybrides rechargeables arrivent sur le marché. Il est grand temps de tourner la page d’un carburant qui n’aura été qu’une erreur et une perte d’argent.